Homélie 5ème Dimanche de Carême (B)
HOMELIE DU 5ème DIMANCHE DE CAREME (B)
(Dimanche le 22 mars 2015 dans la cathédrale de Dédougou)
Je voudrais, dans notre méditation de ces textes du jour si riche, me pencher sur deux petites phrases qui, pour moi, semblent résumer l’ensemble.
« L’heure est venue où le Fils de l’homme doit être glorifié. Amen, amen, je vous le dis : si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruits ».
Il y a deux expressions qui semble, en temps normal, se repousser mutuellement GLORIFICATION et MORT. Comment peut-on obtenir la gloire si on est mort ? La gloire s’obtient en effet dans le combat quotidien. Pour se faire, il faut bien être vivant. Pourquoi donc ces deux mots juxtaposés ici ?
Le mot hébreu « Kabôd » que l’on traduit par « Gloire » signifie à l’origine «être lourd ». Ainsi le sens premier de « Kabôd » est-il « poids ». Les sens dérivés expriment tous la même idée : « ce qui donne du poids », « ce qui en impose ». Par exemple, la richesse et le pouvoir donnent du poids à un homme, de la renommée, de l’honneur, de la puissance, de la considération ou de l’influence. On dirait dans notre langage que cet homme est « pesant ». On voit donc se dessiner la signification particulière que ce mot peut prendre quand il est appliqué à Dieu. Ainsi, « l’heure est venue où le Fils de l’homme doit être glorifié » signifie-t-il « l’heure de la manifestation fulgurante de toute la valeur du Fils de l’homme aux yeux du monde est arrivé. ». C’est bien cette manifestation salutaire pour tous qui le rendra encore plus important, (lourd quoi) et en conséquence imposera un respect profond et un amour toujours accru de l’être humain pour lui. En effet, on acquiert de la valeur, du prix, on est lourd aux yeux des autres que lorsque nous sommes porteurs d’un certain poids salutaire pour eux. Plus le poids du salut que nous portons s’étend dans l’espace, plus la gloire qui l’accompagne, c'est-à-dire l’adhésion populaire est grande. C’est pourquoi, la glorification de Jésus passe par la portée universelle du salut qu’il est venu apporter. La mention des grecs au début du texte en est la preuve. Jésus a sorti le terme de la glorification au moment même où les grecs étaient venus pour le voir. Les grecs symbolisent le monde païens, c'est-à-dire nous, qui jusqu’à présent étions noyés dans l’obscurité de nos cultes parfois barbares et sanguinaires. La gloire du Christ ne pouvait avoir tout son ampleur que lorsque nous aussi nous allions le connaître et profiter du salut qu’il est venu apporter. Pour que ce salut puisse atteindre tous les hommes, il fallait qu’il pose un acte à portée universelle. Cet acte, c’est sa mort qui a consisté à « mourir à l’humanité ancienne pour qu’advienne l’humanité nouvelle ». Car l’humanité est bien la chose par laquelle on peut toucher tout le monde. Voilà pourquoi glorification et mort vont de paire. Pour que tous les hommes puissent faire l’expérience du salut qu’il apporte et reconnaissent qu’il a du prix à leurs yeux (le glorifier), il faut qu’il enterre l’humanité ancienne et la fasse renaître à une vie nouvelle.
Ce faisant, Jésus nous traçait le chemin. La véritable gloire, celle qui est éternelle, celle qui porte en elle un poids salutaire qui rejaillit sur tous passe toujours par le chemin de la mort : « si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruits».
En d’autres termes, frères et sœurs, on acquiert de la valeur que lorsqu’on accepte de mourir à nous-mêmes pour nous ouvrir aux autres. Le soleil n’a de la valeur que parce qu’il brille non pas pour lui-même, mais pour les autres.
Depuis l’avènement mort résurrection du Christ, toute mort à soi-même est toujours source d’un renouveau non pas pour ceux qui en bénéficient directement, mais pour toute l’humanité : « n’est-ce pas que réparer un bout de la calebasse, c’est réparer toute la calebasse ? »
Nous devons donc accepter, si nous voulons réellement produire des fruits à portée universelle et être ainsi dignes du royaume, de mourir à nous-mêmes, c'est-à-dire à l’être ancien rempli d’égoïsme, afin que de cette mort jaillisse le monde nouveau, l’humanité nouvelle. Pour cela, aux prix de maints sacrifices :
- Accomplissons notre devoir comme il se doit pour le bien des autres et non pas d’abord pour nous-mêmes. Le chrétien, rené à la vie nouvelle qui nous provient de la mort du Christ doit par exemple exclure de sa vie tous les petits « deals » que l’on fait dans les bureaux et ailleurs sur le dos des autres. On ne peut briller en se tournant vers soi-même.
- Acceptons de donner de notre surplus (argent, matériel, etc.) aux plus démunis et aussi pour le bon fonctionnement de notre église, de notre association, de notre groupe, etc. Ne prenons pas le risque de nous dessécher spirituellement et humainement en nous encombrant de matières mortes. Après cette messe, courrons donc chez nous et voyons nos gardes robes, nos armoires et nos tiroirs. Tout ce qui ne nous sert plus (chaussures, habits, plats, etc.) sortons-le, donnons-le. La mort à soi, source du renouveau pour tous, passe par là. Ne donnons pas que du superflu. Nous devons aussi accepter de nous détacher du nécessaire : en mettant le prix d’une bière ou d’une calébassée à la quête par exemple, en donnant du peu que j’ai à ce mendiant, etc. On ne meurt à soi-même que lorsqu’on commence à ressentir véritablement que nous nous sommes détachés de quelque chose. Donnons aussi de notre temps à l’Eglise, Royaume de Dieu en gestation dans le monde, dans un engagement qui contribuer à tirer tout le monde vers les valeurs éternelles.
- Combattons l’injustice, dussions-nous, pour cela, payer de notre vie. Il vaut mieux perdre un, deux ans, dix ans, cinquante ans de cette misérable vie terrestre que de perdre l’éternité bienheureuse. Un cri de cœur est donc lancé en direction de tous ceux qui s’enferment dans leur coin devant l’injustice pour soi-disant protéger leur vie et leur intérêt. L’évangile de ce jour est clair : « Qui aime sa vie la perd ; qui s’en détache en ce monde la gardera pour la vie éternelle ». etc.
Nous constatons à partir de ces petits exemples que mourir à nous-mêmes est la clé de l’avènement d’un monde meilleur, un monde où le bien-être rejaillit sur tous. Mais c’est aussi la condition même pour notre pleine réalisation : « L’eau du fleuve, quand elle stagne, elle pourrit. Plus elle coule vers la mer, plus elle acquiert une saveur et une fraîcheur toujours nouvelle » Ainsi, en va-t-il de notre vie. Plus nous l’ouvrons aux autres dans l’engagement quotidien, plus elle acquiert une saveur et une fraicheur toujours nouvelle. Moins elle est ouverte, plus elle pourrie et devient gênante pour l’entourage. « Parce que la vie, si tu la tiens trop serrée, moisit et se dessèche. Mais si tu l’offres, elle fleurit et se fait épis de grain, pour toi et pour toute la communauté ».
Nous avons besoin de mourir à nous-mêmes pour fleurir et porter du fruit tout comme la Vierge Marie a accepté de mourir à sa propre volonté pour épouser celle de Dieu. D’où la gloire qui lui revient aujourd’hui : « Toutes les générations la proclament bienheureuse » parce que par sa vie tout offerte, elle a contribué à l’œuvre immense du salut de l’humanité.
Apprenons donc d’elle le sens du don, du sacrifice, de la mort à nous-mêmes qui fructifie en salut pour tous. Malheur à celui qui n’aura pas fructifié parce qu’il aura refusé de mourir à son égoïsme, à son orgueil pour fleurir, briller et porter du fruit. Jamais il n’obtiendra la gloire qui conduit au Ciel. C’est dans le sacrifice quotidien que l’on obtient la gloire véritable. Glorification et mort vont toujours de paire. La balle est donc dans notre camp.
Puisse les prières de cette merveilleuse dame, Marie, qui a su faire de toute sa vie un « oui » à Dieu, un don total à la volonté de Dieu, nous soutenir.
Je vous salue Marie……
Abbé Edouard GNOUMOU
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