AU COEUR DE L\'ESPERANCE

AU COEUR DE L\'ESPERANCE

homélie de l'ascension, année C

Paroisse N.D de l’Assomption de Tougan

BP 126

Tel : 20 53 40 55

 

 

 

 

 

 

 

(Jeudi le 13 mai 2010)

 

 

 

 

 

 

« Tandis qu’Il les bénissait, Il se sépara d’eux et fut emporté au ciel. Ils se prosternèrent devant lui, puis ils retournèrent à Jérusalem remplis de joie. »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Abbé Edouard GNOUMOU

 

I/ Ouverture

 

Bien chers frères et sœurs, la solennité de l’Ascension de notre Seigneur Jésus-Christ est un évènement qui nous rappelle sans cesse que notre cité n’est pas ici-bas. Elle nous aide à tourner constamment les yeux vers le ciel où le Christ est allé nous préparer des places. Au début de cette célébration, reconnaissons néanmoins que le désir des biens célestes n’est pas toujours rentré dans le lot de nos préoccupations. Bien souvent, nous empruntons l’esprit du monde avec ses soifs de gain, de plaisir et d’honneur comme des gens sans espérance. Pour cela, commençons humblement par demander pardon.

 

 

 

II/ Homélie

 

« Tandis qu’Il les bénissait, Il se sépara d’eux et fut emporté au ciel. Ils se prosternèrent devant lui, puis ils retournèrent à Jérusalem remplis de joie. »

Bien chers frères et sœurs, cette joie des disciples au moment où Jésus se sépare d’eux a de quoi nous étonner. Il est d’expérience dans la vie ordinaire que toute séparation entre des personnes qui s’aiment est toujours semée de tristesses et de larmes. Dans cette séparation du Christ que nous vivons aujourd’hui, s’il y a donc des gens qui devraient être inquiets, ce sont bien ses disciples. N’est-ce pas eux qui avaient mangé et bu avec Lui ? N’est-ce pas Lui qui les rendait si fier d’être les disciples d’un maître dont la puissance opérait tant de miracles ? Sans oublier que les apôtres croyaient fermement à un règne terrestre où ils occuperaient les plus hauts postes. Si la mort du Christ avait fait s’écrouler de telles ambitions, il n’empêche que sa résurrection les avait ravivées davantage de sorte qu’aujourd’hui encore, au moment où il s’apprête à les quitter définitivement, certains, obsédés par cette soif de postes ose l’interroger encore : « Est-ce maintenant que tu vas établir la Royauté en Israël ? » Malheureusement hélas ! Jésus les bénit et il s’en va définitivement, laissant chacun avec ses montagnes d’espoirs terrestres qui, pour sûr, ne seront plus jamais satisfaites. Que de tristesses et de regrets ne devrait-on pas alors constater en leur sein ! Et pourtant, l’Evangile nous dit qu’ils retournèrent à Jérusalem remplis de joie.

 

Il est bon de noter en passant que l’évangile de Luc ne raconte pas l’évènement de l’Ascension de la même manière que le passage du livre des actes des apôtres que nous avons lu en ce jour. Dans ce livre qui aurait été rédigé par le même Luc, il est bien question de tristesses, de sentiments d’insécurité, de solitude, etc. : « Les apôtres restaient encore à fixer le ciel quand deux hommes en vêtements blancs vinrent à eux pour leur redonner espoir » y est-il dit en substance. Or nous savons tous que rester à fixer pensivement la route par laquelle est parti un être cher ne peut être signe de joie. Bien au contraire ! Néanmoins, en soulignant l’aspect joie dans son évangile, Luc ne se contredit pas. Comme l’Incarnation et la Passion-Mort-Résurrection du Christ, l’Ascension entre dans le thème général de la joie qui bruit tout au long de son évangile. Elle inaugure en effet une nouvelle étape de l’ère messianique qui est par excellence l’ère de la joie Rien n’aurait servi au Christ de s’incarner, de souffrir, de mourir et de ressusciter si ce n’était pour nous emporter au ciel près du Dieu d’Amour. Désormais, avec l’Ascension, nous sommes tous destinés au bonheur céleste. Cet accès au ciel sera d’autant plus facile que le Christ lui-même y est entré afin de se tenir maintenant pour nous devant la face de Dieu. C’est l’heureuse nouvelle que nous apporte la lettre aux hébreux. Avec l’Ascension, nous avons maintenant un intercesseur auprès du Père, le Christ Jésus, grand Prêtre compatissant à nos faiblesses, dont l’offrande a été agrée. De ce point de vue, l’Ascension ne saurait se présenter autrement que comme une fête de la joie. Et c’est cette joie que Luc a tenu à souligner chez les disciples.

 

L’Ascension inaugure aussi une nouvelle mode de présence du christ encore plus efficace que la première. Désormais, plus besoin de monter sur un cheval ou sur un âne rebelle, encore moins de courir à pied au risque d’user ses sandales pour aller le guetter à Jérusalem où dans les faubourgs de la Galilée. Il est dorénavant présent dans le cœur de chacun. Pour le rencontrer, il nous suffit maintenant de fuir les bruits du monde pour nous retirer dans le sanctuaire de notre cœur. Ainsi expérimenterons-nous que le ciel n’est pas forcement dans la voûte bleue qui se situe au-dessus de nos têtes. Beaucoup de saints mystiques nous en donnent des témoignages vivants. On raconte que saint Jean de la Croix, à force d’oraisons intérieures était parfois mû par une extase et un bonheur d’une intensité telle qu’il lui arrivait de s’élever et de se suspendre dans l’air sans même sans rendre compte. Tout ceci pour dire que le Christ et le ciel, avec l’évènement de l’Ascension sont désormais à porter de main. Ils sont déjà à l’intérieur de nous-mêmes. C’est de là que dérive la joie de l’Ascension qui devrait nous animer nous aussi.

 

Si le Christ est dans le cœur de chacun comme nous venons de l’affirmer, cela revient aussi à dire qu’on peut le découvrir dans les autres, notamment les plus pauvres, les malades, les marginalisés à qui le Christ souffrant s’identifie. On raconte qu’un nommé Simon ne manquait jamais de rendre visite à Jésus chaque jour devant le tabernacle. Un jour, il dit au Christ : « Cela ne te fait rien que je vienne tout le temps te rendre visite sans que toi tu ne fasses de même, ne serait-ce qu’une fois en passant ? ». Jésus lui promit alors de passer à son domicile le Vendredi suivant. Une fois rentré chez lui, Simon passa tout le temps qui lui restait à se préparer. Il choisit parmi son bétail les animaux les plus tendres et les plus grasses, paya les mets les plus succulents et les plus rares, lava sa maison, la rinça et la re-rinça les jours suivants. Le Vendredi arriva enfin. Tout était prêt, fin prêt. Simon et sa famille s’assirent alors à la porte pour attendre leur illustre invité. Ils ne mirent pas longtemps à attendre lorsqu’un « garibout » aussi chérif qu’un singe malade et plus sale qu’un cochon boueux, sans doute attirer par le fumet agréable des mets qui embaumait tout le quartier, fit son apparition à la porte et demanda à manger. A coup de pierres, Simon l’évacua rapidement des lieux de peur que Jésus, en arrivant, ne soit dégoûté par la présence d’une telle vilenie dans les lieux. Arriva quelques minutes après une femme maigrelette au seins aussi chiffonnés que les chaussettes d’un tirailleur sénégalais. Elle portait dans ses bras deux jumeaux dont le volume de la tête choquait à bien des points de vue. Elle n’eut pas le temps de demander à manger que déjà un coup de bâton la fit détaler autant qu’elle pouvait. Dix minutes plus tard, comble d’horreur, survint dans la cours un pauvre vieux dont le corps était couvert de plaies à la puanteur insupportable. Mais cela ne prit que quelques secondes. Non seulement il se retrouva dehors à décamper sous les coups qui pleuvaient sur son dos, mais on lava de nouveau les lieux qui furent aussitôt parfumés et re-parfumés. Le temps passa. Pas de Jésus. La nuit arriva. Pas de Jésus. On veilla. Rien. Enfin, les coqs du lendemain chantèrent, toujours pas de trace de l’illustre hôte. Visiblement, le rendez vous était manqué. Que faire alors de tant de viandes, de repas, de vins capiteux, etc, etc. ? C’est donc avec colère que dès le levé du soleil, Simon se présenta de nouveau devant le tabernacle et laissa exploser son mécontentement. Mais Jésus lui répondit calmement : « Simon, qu’as-tu à te plaindre tant ? Je suis venu chez toi trois fois de suite mais trois fois de suite tu m’as chassé. Oui, car ce petit mendiant, cette pauvre dame et ce vieux nauséabond, c’était moi qui tentait à tout prix d’honorer mon rendez vous ». Le pauvre Simon n’eût plus mot à dire. Il se mit à pleurer silencieusement en regrettant profondément d’avoir si mal traité son Seigneur. Cette petite histoire nous met en garde sur notre attitude face à ceux que la société considère parfois comme des moins que rien. N’oublions pas que c’est cela qui nous servira de mesure pour notre aptitude à entrer dans les demeures célestes. « J’avais faim et vous m’avez donné à manger, J’avais soif et vous m’avez donné à boire, J’étais malade ou en prison et vous m’avez visité…Venez les bénis de mon Père… » Ainsi, avec l’Ascension, Jésus se fait tout proche de nous dans le prochain et le pauvre. C’est cela également qui contribue à donner à cette fête son caractère joyeux.

 

Le même Jésus qui est monté au ciel est désormais aussi présent dans son Eglise à travers les sacrements dont le plus grand et le plus explicite est sans contexte l’Eucharistie. Aujourd’hui, 48 de nos enfants vont recevoir pour la première fois ce grand sacrement du corps et du sang du Christ. C’est une occasion pour nous de rappeler à tous les valeurs de l’Eucharistie. L’Eucharistie, c’est Jésus lui-même, le même qui est monté au ciel, le même en son humanité et en sa divinité. La communion fréquente et dans les conditions requises accroît de ce fait sa présence en nous et nous porte davantage à aimer nos frères. Car comme le dit sainte Thérèse d’Avila, « Lorsque nous communions, Jésus qui est en moi est le même qui est en toi. Jésus en moi aime Jésus qui est en toi et nous unit dans ce même amour ». Au regard de cette affirmation dont la véracité est évidente, chacun peut donc s’inviter. Est-ce que mes communions fréquentes me rapprochent davantage de mes frères et me disposent à les aimer ? Où bien, je reste le même, avec la même haine dans le cœur, les mêmes critiques destructrices, les mêmes jalousies, etc. ? C’est en vain que nous aurons communié si, en sortant, nous ne nous aimons pas davantage que lorsque nous sommes entrés. Alors, prenons bien garde de ne pas mettre dans l’embarras le même Christ qui est en nous en produisant trop souvent des fruits de haine.

C’est pourquoi j’exhorte vivement ceux qui vont bientôt recevoir pour la première fois le corps du Christ à s’engager pour bâtir le corps du Christ qui est l’Eglise. Car ce sur quoi le Christ aspire à prononcer les paroles d’une consécration éternelle, c’est sur ses membres divisés que nous sommes, et qu’Il veut de tout son cœur réunir, vivifier, réchauffer, pour qu’Il puisse dire à la fin d’une messe : Ceci est mon corps. Que vos différentes communions soit donc pour vous des tremplins pour rayonner partout autour de vous le visage du Christ tel qu’il est : Un Dieu bon, miséricordieux, plein de tendresse et d’Amour ; un Dieu qui rassemble et unit tous les hommes pour en faire son corps. Ainsi le monde comprendra que l’Ascension, loin d’être un départ et une absence du Christ, est plutôt une nouvelle mode de présence, de proximité et d’efficacité universelles. Oui, l’Ascension, c’est Jésus et le Ciel à porter de main dans notre cœur, dans le prochain, dans l’Eucharistie, dans les autres sacrements, etc. C’est la raison encore pour laquelle saint Luc la présente dans un climat de joie.

 

« Tandis qu’Il les bénissait, Il se sépara d’eux et fut emporté au ciel. Ils se prosternèrent devant lui, puis ils retournèrent à Jérusalem remplis de joie »

Que Cette bénédiction du Seigneur se déverse sur nous et sur nos familles. Que la joie de l’Ascension nous habite maintenant, demain et jusqu’au jour où nous aussi, à la suite du Christ, nous serons emportés au ciel où nous vivrons avec Lui dans les siècles des siècles. Amen !!!

 

                                  Abbé Edouard GNOUMOU


14/10/2010
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