Homélie du 11ème semaine du T.O
Paroisse N.D de l’Assomption de Tougan
BP 126 Tougan
Burkina Faso
(11ème dimanche du T.O, année C)
« Elle les essuyait avec ses cheveux, les couvrait de baisers et y versait le parfum ».
Abbé Edouard GNOUMOU
I- Introduction
Tous, comme le roi David dans la première lecture de ce jour, nous avons péchés. Tous, comme lui, nous devons aussi avoir un esprit de repentir. C’est pourquoi, bien chers frères et sœurs, au début de cette célébration, reconnaissons-nous humblement pécheurs devant Dieu et demandons lui de nous purifier dans les grandes eaux de sa miséricorde.
II- Homélie
« Elle les essuyait avec ses cheveux, les couvrait de baisers et y versait le parfum ».
Il peut paraître bizarre, voir insolite que ce soit cette phrase un peu particulière qui soit l’objet de mon homélie de ce jour. Et pourtant…Oui !
« Elle les essuyait avec ses cheveux, les couvrait de baisers et y versait le parfum ». Si j’ai choisit de méditer avec vous ce passage, ce n’est pas parce que les mots qui y sont employés créent particulièrement en moi une certaine émotion. Non ! C’est parce qu’il me semble résumer tout l’évangile que nous venons de lire.
Qui est cette femme ? L’Evangile commence par nous dire que c’est une pécheresse : « Survint une femme de la ville, une pécheresse ». Mieux, le passage qui est l’objet de notre méditation nous en dit long.
« Elle les essuyait avec ses cheveux, les couvrait de baisers et y versait le parfum ».
Essuyer avec les cheveux suppose qu’on les aie auparavant défaits. Or en Israël, le fait pour une femme de délier ses cheveux en public était le signe d’une vie conjugale teintée d’infidélité. Et cela seul méritait la répudiation. Eu égard à cela, la femme dont il est question ici ne devrait donc pas être une femme exemplaire. Bien au contraire ! D’ailleurs les gestes de « baisers » et de « verser du parfum » qui sont des gestes érotiques sont là pour le prouver. C’est pourquoi Simon, l’hôte de Jésus, s’en trouve scandalisé au point de douter de la sainteté de Jésus et de penser en lui-même : « Si cet homme était prophète, il saurait qui est cette femme qui le touche, et ce qu’elle est : une péchéresse ». Et voilà éclater l’identité de notre femme. Ces gestes étranges qu’elles posent sont autant de réalités qui ne mentent pas : pour sûr, c’est une femme de mauvaise vie, une prostituée.
Tout aussi étrange est le comportement que Jésus adopte envers elle. Il la laisse faire au point de ternir sa rénommée. Car « flirter » comme cela avec une prostituée en plein public ne peut être que le signe d’une immoralité déconcertante. Cela suppose qu’on a tellement fréquenté le milieu au point qu’on n’éprouve plus de gène à faire ça en public.
Mais Jésus qui sait sonder les cœurs interprète et apprécie différeremment ces gestes de la pécheresse. Pour lui, l’attitude de la femme, si étrange puisse-t-elle paraître, traduit tout simplement sa façon d’aimer et de se repentir.
Elle n’a pas dissimulé sa personnalité devant Jésus. Librement et sincèrement, à travers des attitudes qui traduisent-du moins pour Simon-une certaine légèreté de mœurs, la pécheresse exprime à Jésus ce qu’elle est dans sa vie. Sa transparence est aussi l’indice de la confiance envers Jésus. C’est pourquoi, le Christ n’hésite pas à apprécier sa foi : « Ta foi t’a sauvé. Va en paix ». Ce qui a sauvé la pécheresse, c’est donc sa foi, sa confiance en Jésus, mieux encore, sa transparence.
Par contre, dans ce même évangile, figure une personnalité opposée à la pécheresse qui, pour sûr, n’est pas sur le chemin du salut. C’est bien Simon le pharisien, le même qui a invité Jésus. Celui-ci se croit déjà juste au point d’exclure de sa vie toute proximité avec ceux qu’ils jugent pécheurs. Il ne veut pas se salir, lui qui semble n’avoir rien à se reprocher. Il passe son temps à flâner dans la vie des autres au lieu de se remettre lui-même d’abord en question. Il interprète mal les gestes que posent autrui et porte déjà des jugements hatifs et malsains. Ce sont autant d’attitudes qui dénotent chez lui une certaine fermeture à la grâce divine. Des « Simon », on en trouve encore malheureusement aujourd’hui dans notre Eglise. Certains chrétiens en effet, se croyant plus justes que tous, passent leur temps à épier les autres, à interpréter faussement tous les gestes qu’ils posent et à vendre leur nom à vil prix sur les places publiques au lieu de pleurer sur leurs propres péchés et de chercher le repentir. Jésus attend de ces personnes qu’elles se convertissent au lieu de fermer leur cœur à son amour en meurtrissant et en sacrifiant leurs frères et sœurs sur l’autel de la médisance, de la calomnie et des critiques néfastes. Sans quoi, il n’est pas de doute que ceux qu’elles jugent et salissent en public les précederont dans l’éternelle béatitude conformément à cette autre parole de notre Seigneur : « Les prostituées et les publicains vous dévanceront dans le royaume des cieux ». Jésus attend de nous tous que nous adoptions les attitudes de la pécheresse en entrevoyant devant Lui notre état d’âme dans l’espoir d’en obtenir le pardon. Car c’est pour racheter nos âmes que le Christ continue de passer chez nous aujourd’hui. Il passe à travers les villes et les villages proclamant la bonne nouvelle. Et il fait arrêt dans chaque église et chapelle, ou encore dans nos maisons, prisons, hôpitaux, où nous entendons sa Parole, où nous le prions, où nous vivons de son Esprit. Il attend que tous, nous nous présentons devant lui tels que nous sommes, des êtres faibles et pécheurs. Que nous pleurions nos péchés, que nous en demandions pardon à travers le sacrement de la réconciliation et surtout que nous l’aimions malgré tout ce que nous sommes. Car il y a des chrétiens qui passent souvent leur temps à gémir sur leurs montagnes de péché au point de croire que Dieu ne les aime plus et qu’il ne les aimera plus jamais. Et pourtant, il est là et frappe quotidiennement à la porte du cœur de chacun pour mendier un peu de son amour afin de se faire un avec lui pour déverser en son âme ses torrents de miséricorde. A chacun, il répète encore aujourd’hui :
« Je connais ta misère, les combats et les tribulations de ton âme, la faiblesse et les infirmités de ton corps ; je sais ta lâcheté, tes péchés, tes défaillances ; Je te dis quand même : « Donne-moi ton cœur, aime-moi comme tu es ; et pour cela, accepte d’abord de me laisser t’aimer tel que tu es !
Si tu attends d’être un ange pour te livrer à l’amour, tu ne m’aimeras jamais ! Même si tu retombes souvent dans ces fautes que tu voudrais ne jamais connaître, même si tu es lâche dans la pratique de la vertu,
Je ne te permets pas de ne pas m’aimer, et pour cela, je te demande de me laisser t’aimer.
Aime moi comme tu es.
A chaque instant et dans quelque position où tu te trouves,
Dans la ferveur ou dans la sécheresse, dans la fidélité ou dans l’infidélité :
Crois que je t’aime, et livre-toi à l’amour.
Je veux l’amour de ton cœur indigent ;
Si pour m’aimer, tu attend d’être parfait, tu ne m’aimeras jamais !
(…)
Aujourd’hui, je me tiens à la porte de ton cœur, comme un mendiant, moi le Seigneur des seigneurs.
Je frappe et j’attends ; hâte-toi de m’ouvrir, n’allègue pas ta misère.
Cela seul qui pourrait blesser mon cœur, ce serait de te voir douter et manquer de confiance
Souviens-toi simplement : « Aime-moi tel que tu es, et pour cela, laisse-moi d’abord t’aimer tel que tu es. »
Frères et sœurs, voici donc des attitudes à tenir qui nous sont données dans notre condition pécheresse. Face à notre Seigneur, nous devons imiter la pécheresse : « Défaire nos cheveux pour essuyer ses pieds, les couvrir de baiser et y verser du parfum ». Autrement dit, nous présenter devant lui humblement et sans artifice, implorer sans cesse sa miséricorde, et surtout l’aimer et lui faire confiance quel que soit ce que nous sommes.
Demandons lui de nous accorder cette grâce aucours de cette eucharistie, Lui, le Vivant pour les siècles des siècles.
Abbé Edouard GNOUMOU
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