Homélie du 5ème dimanche de Paques, Année C
Paroisse N.D de l’Assomption
BP 126 Tougan
Burkina Faso
(Dimanche le 02 mai 2010)
«Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c’est l’Amour que vous aurez les uns pour les autres. »
Abbé Edouard GNOUMOU
«Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c’est l’Amour que vous aurez les uns pour les autres. »
L’amour ! Encore l’amour ! Un mot qui a fait coulé beaucoup d’encre et continue d’en faire couler chaque jour abondamment.
Que de soupirs ! Que d’espoirs ! Que de flammes dans les yeux ne provoque-t-il pas dans de nombreux cœurs à sa seule épellation !
Cependant, que de tristesse et de déceptions aussi ! Beaucoup de personnes se sont laissées berner par les feuilletons romantiques qui nous proviennent de l’Amérique Latine. Prises sous le coup d’une forte émotion, ils ont voulu imiter de façon concrète ce qu’ils voyaient. Et cela les a entraînées dans des tourments sans nombre qui n’avaient rien à voir avec les images colorées qui apparaissaient chaque après midi sur leur petit écran.
L’Amour quand tu nous tient !
Et pourtant, Jésus continue de répéter aujourd’hui. « Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c’est l’Amour que vous aurez les uns pour les autres. »
De quel amour s’agit-il donc ? De cet amour humain dont nous venons de décrire quelques effets ? Un amour qui, dans ses débuts fait luire à nos yeux des mirages de bonheur avant que les flots de tristesses, de jalousies, de trahisons et de larmes ne viennent aussitôt les engloutir ? Certainement pas !
Il s’agit plutôt d’un amour de Christ : « Comme je vous ai aimés, aimez vous les uns les autres ».
Comme je vous ai aimés… Il s’agit donc en définitive de nous aimer comme le Christ nous a aimés. Pour pouvoir vous faire ressortir quelques caractéristiques de cet Amour, j’ai essayé de relire certains aspects de la vie du Christ et de les appuyer par des expériences concrètes qui les éclairent. Et voici ce qui en ressort.
A cause de son amour débordant pour nous, tout Dieu qu’il était dans ses gloires célestes, le Christ est descendu dans notre méprisable condition humaine et s’est incarné afin de nous élever à sa vie divine. Quelle audace ! Un amour qui s’incarne. C’est comme si le plus riche de la ville de Tougan acceptait de quitter un jour sa haute table rempli de mets savoureux pour venir s’asseoir par terre, auprès du plus pauvre, et tremper en même temps que lui sa main dans sa sauce gluante déposée à même le sol malgré tous les risques de manque d’hygiène que cela présente. Il s’agit donc pour nous, les plus grands de nous faire petits avec les petits en essayant de les approcher, de leur tendre la main, de faire naître constamment sur leur visage ne serait-ce qu’un petit sourire d’espoir. Voici l’histoire de Madeleine, une vieille demoiselle : « Je sais que je ne suis rien. Je n’ai pas « fait l’école ». Je ne suis pas belle. A la maison, dans le quartier, personne ne fait attention à moi…même pas les garçons… je ne compte pas… j’en ai l’habitude. N’empêche qu’il y a des jours où c’est noir dans ma tête…Heureusement, je connais une religieuse. Quand je suis découragé, je vais la voir. Cette sœur là, elle est extraordinaire. Elle me reçoit comme une « madame ». Elle s’assoit et elle m’écoute comme si elle n’avait rien d’autre à faire. Je lui raconte mes histoires. On dirait que ça l’intéresse beaucoup. Avec elle, j’ai l’impression d’être « quelqu’un ».
Frères et sœurs, l’amour qui s’incarne voudrait que nous aussi nous nous efforcions de quitter notre piédestal sur lequel nous sommes perchés pour nous courber vers ceux qui ploient sous des conditions peu humaines et les considérer comme des « quelqu’un », mieux des semblables qui méritent tout notre amour et notre aide. Imaginez un tel amour dans notre Eglise ! Où riches et pauvres, grands et petits, bien portants et malades essayent de se côtoyer dans une vie fraternelle tissée d’attention, de considération et d’enrichissement mutuel. Ce serait merveilleux, n’est-ce pas ? Eh oui ! C’est bien cela, le ciel nouveau et la terre nouvelle dont parle saint Jean dans son apocalypse. Ainsi le monde reconnaîtrait que nous sommes réellement des disciples du Christ
« Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c’est l’Amour que vous aurez les uns pour les autres. »
La deuxième caractéristique de l’amour tel que vécu par le Christ, c’est la compréhension et la tolérance. Un amour qui ne juge pas, qui ne condamne pas mais qui trace pour le coupable et l’accusé des nouveaux chemins d’espérance. Face à la femme prise en flagrant délit d’adultère que les juifs s’apprêtaient à lapider, Jésus se dresse en défenseur : « Que celui qui n’a jamais péché lui lance la première pierre ». Après que tout le monde aie disparu un à un en commençant par les plus âgés, Jésus tourne un regard de bonté vers la pécheresse et lui adresse ces doux mots si fortifiants : « Femme, personne donc ne t’a condamné ? Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, et désormais, ne pèche plus ». Imaginez un tel amour dans notre Eglise. Un amour où loin de nous jeter les pierres les uns sur les autres comme cela arrive trop souvent, chacun prend conscience de ses propres limites et essaie de cultiver des attitudes de tolérance et de compréhension vis-à-vis des autres, des attitudes qui aident ceux qui sont tombés à se relever et à poursuivre la marche avec nous. Ce serait beau, n’est pas ? Ainsi, contribuerons-nous à faire descendre dès maintenant sur la terre
La troisième caractéristique de l’Amour, c’est le risque. Celui où l’on est prêt à sacrifier de sa vie, de son temps, de ses biens, pour le salut des autres. L’expérience humaine montre qu’on ne peut sauver quelqu’un tout en évitant soigneusement de s’exposer au danger qui l’étreint. Il est impossible de rester tout sec et bien fringué au bord de l’eau et de vouloir sauver quelqu’un qui se noie en lui indiquant, à force de cris, les portes de sorties. Il convient de se déshabiller, de prendre le risque soi-même de se noyer en se jetant à l’eau en vue de la repêcher. C’est cela, suivre l’exemple du Christ qui, pour libérer l’humanité du mal et de la mort qui la rongeait, est venu les prendre à bras le corps jusqu’à en être broyer lui-même sur la croix comme un des pires bandits de son époque. Imaginez un tel Amour dans notre communauté chrétienne. Un amour où les désespérés et les angoissés de la vie, loin de se sentir rejeter, expérimentent toute la sollicitude de leurs frères à leur égard, une sollicitude qui ne ménage aucun risque. Ce serait idyllique, n’est-ce pas ? Tout le monde expérimenterait alors que notre Eglise est vraiment la demeure de Dieu parmi les hommes. Pour illustrer un peu cet Amour qui se risque pour sauver l’autre, voici une petite histoire. Un homme raconte : « Dans mon usine, des lettres de licenciement ont été adressées à un certain nombre d’ouvriers. L’un d’eux, qui se trouvait dans une situation économique difficile, fut convoqué au service du personnel pour y recevoir notification de son licenciement. Je le vis revenir consterné et les larmes aux yeux. Je ne le connaissais pratiquement pas, mais suffisamment pour être au courant de ses difficultés. (…) M’approchant donc de lui, je l’invitai à se rendre à nouveau, avec moi, dans le bureau du chef du personnel. J’essayai alors d’expliquer sa situation au responsable et j’ajoutai : « Moi, j’ai moins de problème que lui. Ma femme travaille. Licenciez-moi plutôt à sa place. » Entendant cela, le chef du personnel ne savait plus trop quoi dire. Il promit de réexaminer son cas et d’essayer de ne pas le licencier, éventuellement en lui proposant un autre poste. A la sortie, mon collègue pleurait en me remerciant. Le fait fut vite connu dans toute l’usine et deux autres ouvriers se rendirent au service du personnel pour y faire la même demande que moi. La direction fut obligée de repenser ses méthodes relatives au choix des personnes à licencier.
Ayant appris ce qui s’était passé, le curé en parla dans son homélie dominicale, avec discrétion et sans citer personne. Les assistants en furent très touchés. Et, le jour suivant, deux étudiants apportèrent au curé toutes leurs économies en le priant de les donner aux familles des ouvriers en difficulté.
On pourrait passer toute la journée à énumérer les différentes caractéristiques de l’Amour de Christ et les appuyer par ces genres d’expériences concrètes. Mais arrêtons nous là et retenons en somme que l’Amour de Christ auquel nous sommes tous conviés en tant que chrétiens est un amour qui donne et se donne entièrement pour le bonheur des autres sans rien attendre en retour. Sa pratique concrète peut paraître difficile. Et pourtant…
Aimer, ce n’est pas de grandes déclarations, ce sont de petites choses simples et sans raison. C’est dire : veux-tu un café ? Es-tu fatigué ? Est-ce que je peux faire quelque chose pour toi ? C’est un coup de téléphone, c’est une lettre, c’est une petite surprise, c’est aller prendre une marche ensemble…Aimer, c’est simplement être là, non seulement avec son corps mais aussi son âme…C’est dire : « je t’aime ». Pourquoi faut-il attendre après la mort de quelqu’un pour lui dire qu’on l’aimait ? …AIMER…c’est de ne pas juger, de ne pas critiquer, de ne pas condamner, de s’incarner pour se faire un avec les autres, de se risquer pour l’autre. C’est être capable de dire à quelqu’un de décourager sous le coup de l’échec : « Si j’avais été à ta place, je n’aurais pas fait mieux », c’est pouvoir aussi dire sans envie : « C’est beau ce que tu as fait ! » Aimer, c’est aussi simple que cela. Ce n’est pas compliqué. C’est tendre la main, c’est sourire, prendre par le bras ; c’est dire : « Et votre petit, comment ça va ? Et cette affaire de l’autre jour, comment s’est-elle réglée ? Et alors…après, qu’est-ce qui est arrivé, mon pauvre vieux ? »…Et dans chacune de ces petites phrases et petits gestes, se mettre tout entier et mettre tout l’amour du Seigneur qui, éternellement, invite.
Bien chers frères et sœurs, il convient donc pour chacun et chacune d’entre nous de commencer dès maintenant. Recommencer d’aimer avec un Amour de Christ. Aujourd’hui même. Si nous n’y arrivons pas, nous aurons encore demain pour essayer. Si nous n’y arrivons toujours pas, il y aura après demain, puis toute la semaine, et toute la vie.
Que cet Amour qui ouvre des horizons d’espérance, de liberté et de bonheur à tous nous environne. Qu’il oriente notre cœur vers les autres, surtout ceux qui ont le plus besoin de notre amour pour vivre et exister. Ainsi le montre reconnaîtra que nous sommes les disciples du Christ, l’Amour en personne qui un jour, s’incarna et planta sa demeure au milieu de nous.
« Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c’est l’Amour que vous aurez les uns pour les autres. »
AU CHRIST QUI NOUS A AIMES EN PREMIER ET JUSQU’AU BOUT SOIT
Abbé Edouard GNOUMOU
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