homélie, marche de carême, sur les pas de Dii Alfred DIBAN
HOMELIE DU 2EME DIMANCHE DU TEMPS DE CAREME
(Dimanche 20 mars 2011 : Marche de carême de la jeunesse)
« Mes chers enfants, je dois vous le dire, j’ai été agréablement surpris de votre choix, le choix de votre parrain pour cette marche de carême 2011 en mon humble personne : Dii Alfred Diban KI-ZERBO. Généralement, les gens de ce monde préfèrent prendre des parrains du monde, c'est-à-dire des personnes riches qui peuvent leur venir en aide financièrement sans nullement tenir compte de leurs qualités humaines, morales et religieuses. C’est triste de constater que dans votre monde actuel, l’argent prend le dessus sur l’humain, les finances l’emportent sur le divin qui est pourtant l’essentiel de toute existence. Quand vous m’avez pris pour parrain, je dois vous l’avouer très sincèrement, tout le ciel était en fête, car à travers moi, ce sont l’ensemble des bienheureux saints et saintes du ciel que vous avez invités pour parrainer cette manifestation. Enfin, voici des jeunes qui pensent à nous qui sommes si souvent oubliés. On nous imagine parfois morts, alors que nous sommes vivants, on nous croit absents et lointains alors que nous sommes tout prêts de vous, que nous partageons votre existence quotidienne. Ceci dit, en tant que parrain de cette marche de carême sur les pas du Christ notre bien-aimé, je voudrais me présenter un peu à vous, afin que vous sachiez qui je suis en réalité. Je vous donnerai également, à partir de mon expérience terrestre et de mon bonheur sans fin près de notre père céleste, quelques recommandations pouvant vous aider un temps soit peu à être des jeunes débout, des jeunes qui enrichissent leur vie en y réservant la priorité à Dieu qui en est la source.
Je suis Dii Alfred Diban KI-ZERBO, un humble et heureux habitant de la grande cité du Ciel. Mais auparavant, j’ai vécu comme vous sur cette terre mais en ayant, fixé devant mes yeux, la perspective du ciel pour lequel vous êtes tous des pèlerins sur la terre.
Je suis né à Da (près de Tougan) vers 1875. Mon père s’appelait Founi et ma mère Bonlènè. Elle était originaire de Tosson, village voisin de Da.
Dans notre langue, Ki signifie chef et zerbo (de zèrè bô, choisir le chemin) signifie éclaireur, guide. Ces deux noms ont été réunis dans notre famille. Mon prénom, Diban ou Dibanè, signifie : talisman (remède) excellent.
A l’âge de 16 ans, j’ai été confié par mon père à sa tante maternelle, la sœur de sa mère, qui était mariée à Bwarè. Et c’est là que le plus important de mon histoire commença. Un jour que m’étais rendu en brousse, des hommes armés, comme cela arrivait malheureusement à l’époque se saisirent de moi. Voyant que je me débattais avec plus ou moins de succès, ils me donnèrent un terrible coup de massue qui m’assomma pour de bon. Quand je revins à moi, j’avais la bouche bâillonnée et les yeux bandés. C’était à l’époque où le maïs avait des épis déjà consommable. Ils me vendirent à Kabara, près de Tombouctou, en bordure du fleuve Niger contre quelques barres de sel. Ainsi donc, en quelques instants, sans que j’aie pu recourir à quiconque pour l’empêcher, et malgré mes résistances, j’étais passé de la liberté à la captivité. Avant de me quitter, mon traitant jugea utile de me faire une dernière recommandation : « Reste tranquille et docile avec ce maître. Sinon ils vont te tuer ». Il oubliait seulement que, dès le départ moi j’avais refusé d’avoir un maître.
Voyez vous, mes enfants, la liberté est tellement précieuse qu’il ne faut jamais prendre le risque de la perdre. Elle est la chose la plus précieuse confiée par Dieu à l’homme. La liberté est fondamentalement ce qui nous différencie des animaux.
J’ai admiré avec quel courage et franchise vous avez essayé, dans le questionnaire à vous proposé, d’énumérer les esclavages dans lesquels vous les jeunes vous vous retrouvez souvent piégés : la drogue, la cigarette, l’alcool, le téléphone, le sexe, la paresse…) Il est urgent pour vous d’en trouver les solutions comme vous-mêmes vous les avez esquissés car rien n’est pire pour un homme que de se laisser assujettir par des choses matérielles et par ses instincts comme les animaux au point de pas pouvoir s’en départir. On perd grandement de l’humain dans tout ca, car le véritable homme, c’est celui qui sait dominer et maîtriser tout ses sens, ses pulsions, ses instincts pour les orienter dans le sens du bien. Combattez donc pour vous libérer de tout cela. C’est en ce moment que vous expérimenterez comment Dieu vous a créés grands et munis de tout le nécessaire pour être pleinement heureux. Le chemin vers la liberté est certes ardu. Mais il vaut le coût de l’emprunter. Cela, je l’ai expérimenté. Trois fois de suite, j’ai tenté de fuir. Trois fois de suite, mon maître m’a rattrapé et m’a fait subir des sévices inhumains. Tenez par exemple : quand je tentai de fuir pour la troisième fois, le premier à me rattraper m’assena un coup violent du revers de sa hache dans les reins. Quand à Bardanou (mon maître), fou de rage, il projeta sa lance sur moi. Dans un reflexe de conservation, je dus esquiver le coup mortel ; mais la lame de son arme me déchira largement la peau du ventre. J’ai toujours conservé la cicatrice de cette blessure.
Je saignai abondamment. Ils me reconduisirent vers le village. Là, Bardamou me fit ligoter à mort les bras et les jambes dans le dos ; Il imbiba les cordes d’eau et m’abandonna dans la cours. Au lever du soleil, les cordes s’étaient considérablement resserrées. Elles me pénétraient profondément dans la chair. Avec la chaleur du soleil, mes membres commencèrent à saigner. Les cordes furent mouillées une seconde fois. Je n’avais jamais autant souffert. Or, vers midi, mon « maître » alla s’emparer d’un gros bâton et commença à me cogner de tous les côtés ; si sauvagement que ma peau craquait. On ne frappe pas une bête de la sorte ! Je dû mon salut à une vieille peule qui menaça mon « maître » de détacher son pagne pour lui montrer sa nudité s’il continuait.
Tout cela n’a pourtant pas pu briser mon désir d’être libre. Plus on me maltraitait, plus ma volonté se durcissait. « Plus on tape sur la tête d’un couard, plus elle s’abaisse plus on tape sur la tête d’un brave, plus elle se redresse ». Le singe ne dit-il pas qu’ « il vaut mieux veiller sur une branche que de dormir dans une gibecière ! ». Je n’ai jamais compris d’où me venait ce courage. Devant la cour céleste, je ne cesse de remercier Dieu qui a été certainement à l’origine de cette ténacité. La preuve, une nuit, pendant mon sommeil, je vis apparaître une jeune femme ravissante et éclatante, telle que je n’en avais jamais vue de semblable. Elle me tendait les mains et semblait m’appeler. Au moment où je m’apprêtais à aller vers elle, je me réveillai. Je compris que c’était le chemin vers ma liberté qui était ainsi tracé. De fait Ma quatrième tentative à été finalement la bonne. Mais à quel prix ? Poursuivi, je dû me réfugier dans le fleuve Niger pour ne pas être vu de mes poursuivants. Je dû passer toute la journée et toute la nuit, debout, dans un équilibre précaire, enveloppé d’eau jusqu’au sommet du cou, et mordillé par les poissons qui venaient se heurter à mon corps. Un jour et une nuit dans l’eau : voilà ce que j’ai enduré pour échapper définitivement à la sujétion. Comme quoi, mes chers enfants, le chemin vers la liberté n’est pas facile. Mais il faut oser le pas, encore et encore. En cherchant à vous libérer, vous subirez certes, les assauts de vos compagnons d’esclavages, vous sentirez comme un manque crucial de cet esclavage auquel vous vous serez déjà habitués, etc. Mais, retenez qu’au bout de l’effort humain, Dieu nous attend toujours pour faire l’impossible. Avec un peu de volonté donc, vous franchirez toutes les barrières. Courage et en avant vers la liberté, la véritable qui seul conduit au bonheur réel.
Comme vous, mes chers filleuls jeunes, j’ai été aussi jeune. Je n’ai pas eu de chance de vivre entièrement ma jeunesse comme vous dans ma famille. La plus grande partie s’est effectuée en période d’esclavage. Je n’ai pas été pour autant un jeune mort ou agonisant, sans dynamisme aucun comme on le rencontre malheureusement de plus en plus dans votre monde d’aujourd’hui. Même en temps d’esclavage, j’ai été, à une époque autorisé à assister aux jeux organisés pr les jeunes au clair de lune. Je fins par me distinguer dans certains exercices : par exemple, l’on traçait un cercle autour des pieds ; puis, par un saut périlleux sans élan, l’on s’arrachait au sol pour tourner sur soi-même et retomber si possible dans le cercle tracé. Je sois dire que je réussissais cette performance trois fois d’affilée sans tituber, à la grande admiration de toute la jeunesse qui me félicitait…un jour, je me permis même de lancer un défi à un cavalier : « je peux courir aussi vite que ton cheval ! » le défi fut relevé et je gagnai presque mon pari. Mon nom commençait à être prononcé dans les chansons de filles, au clair de lune ».
A la suite de tout cela, je vous dis et vous crie : soyez des jeunes ! Soyez des hommes sur qui l’on peut compter, de qui l’on peut être fier. Manifestez cette force et ce courage vivant dans vos différents milieux de vie et dans vos églises. Une force qui construit et non qui démolit comme les différentes destructions de bien publics que nous constatons et déplorons ces derniers temps dans les rangs des élèves. Il ne convient pas de réclamer la justice en détruisant et en compromettant soi-même son propre avenir. Je vous veux pleins d’un dynamisme qui bâtit, qui refait, qui relève, qui collabore, qui met la main à la pâte afin de ne pas laisser seulement une poignée de bonnes volontés faire le gros du travail. Suite aux nombreuses démissions, au manque notoire de volonté, d’endurance et de persévérance chez beaucoup d’entre vous depuis le début de vos activités, le dynamisme que j’exige de vous se veut un cri de cœur. Comme parrain, je veux que vous soyez des filleuls dignes sur qui l’on peut compter pour avancer sûrement sur les chemins de la vie. Je veux paraître un jour la tête haute devant le Seigneur pour lui dire: Je viens te présenter mes filleuls de la terre. Regarde toi-même comme ils sont dignes et comme on peut en être fier. Je porterai cela chaque jour comme supplication dans mon cœur.
Durant ma vie terrestre, Dieu m’a donné la grâce de participer directement à sa mission à travers le travail de catéchiste. Ainsi, j’ai participé à la fondation des Eglises de Ouagadougou, de Wa, Navrongo, Réo puis Toma, ma paroisse natale. Par la grâce de Dieu, le zèle de la mission me dévorait. Je n’avais de joie que quand j’arrivais à me donner au Seigneur aujourd’hui plus qu’hier, et demain plus qu’aujourd’hui à travers la vie de prière intense au niveau personnel ou en famille, ce que je ne manquais jamais. C’était l’huile qui alimentait la lampe de ma vie.
J’avais une passion particulière pour les baptêmes en danger de mort. Ainsi, même en plein milieu de nuit, je n’hésitais pas à parcourir des dizaines de km à pied pour aller en administrer à l’un et l’autre. J’en ai sauvé ainsi plein monde, et le jour de ma mort, je les trouvai devant la porte du paradis qui m’applaudissaient. On ne peut recevoir de récompense plus grande. Je vous exhorte donc, mes chers filleuls, à prendre au sérieux votre vie de foi. On pense souvent que c’est de l’abstrait. La folie de votre jeunesse vous jette souvent dans la recherche des gains matériels pour lesquels vous êtes prêts à sacrifier tout, même votre vocation de chrétien, ou pour être prêtre, religieux, religieuse ou catéchistes. Vous oubliez ainsi parfois que votre vie se trouve dans les mains de Dieu qui peut en disposer comme bon lui semble. Vous perdez aussi de vue que si Dieu ne bâtit la maison, c’est en vain que travaille les maçons. Ne passez donc pas votre temps à envier les riches et à vouloir, à tout point leur ressembler en perdant votre âme. Que sert à l’homme de gagner l’univers s’il vient à perdre son âme ? Rivalisez sur l’essentiel, et cet essentiel c’est ce vers quoi tous nous tendons : les demeures éternelles. L’essentiel est invisible pour les yeux, disait Antoine de saint Exuspéry.
Aimez donc la prière. Fréquentez les messes et toutes les activités spirituelles. En ce temps de carême, mettez plus d’ardeur pour le jeûne afin de maîtriser vos sens pour les canaliser dans le chemin de Dieu. Pratiquez l’aumône. Parlez souvent de Dieu dans vos groupes que ce soit autour du thé ou des calebasses de dolo. Cela vous fera plus de bien que de passer votre temps à des discussions inutiles qui ne vous procurent que des plaisirs passagers ou à des critiques néfastes qui pour sûr, ne vous feront pas avancer sur les chemins de la vie. Tout cela est difficile, parce que justement c’est un chemin vers le haut. Vous savez vous-mêmes que monter dans les hauteurs (sur un arbre par exemple) est plus difficile que d’en descendre. Ainsi va la vie. Grandir est douloureux. Si vous ne voulez pas vous perdre vous-mêmes définitivement, il vous faut grandir vers le haut, c'est-à-dire vers Dieu. Et pour cela, prenez les moyens qu’il faut. Vous n’avez pas le choix.
Mon zèle pour la mission du Seigneur n’a jamais été dissocié de mon amour pour les pasteurs que le Christ lui-même a choisis et mis à notre tête. Ainsi, lorsqu’une insurrection s’est levée à Toma qui consistait à tuer les missionnaires, je suis resté malgré mes parents qui me sommait de quitter la ville pour ne pas me perdre une seconde fois. Nous avons combattu et avec l’aide de Dieu, nous avons vaincu.
C’est avec grande douleur que nous voyons parfois plusieurs chrétiens dont de nombreux jeunes passer leur temps à critiquer et à déchirer leurs pasteurs sur les places publiques avec des propos sans fondement au lieu de se préoccuper eux-mêmes à se rendre meilleurs. De nombreux chrétiens se perdent à cause de cela parce qu’ils ne critiquent pas dans le sens d’édifier mais de trouver un prétexte pour justifier leurs mauvais actes. Car disent-ils : « si les prêtres et les sœurs eux-mêmes font comme ça, pourquoi pas nous ? » tout en oubliant que chacun répondra de ses propres actes devant l’éternel et non de ceux des autres. Vous, mes chers filleuls, je vous exhorte à ne pas tomber dans ce grand péché qui consiste à être les propres détracteurs de notre Seigneur en vendant à vil prix ses serviteurs sur les places publiques. Défendez les contre les fausses rumeurs au lieu de les envenimer. Et s’il s’avérait que ces rumeurs sont vérifiés, eh bien, priez pour eux, afin qu’ils se baissent pas les bras, qu’ils se relèvent pour poursuivre le combat de la foi dans de meilleures conditions. Votre salut en dépend ainsi que la propagation de l’Evangile qui sauve.
Avec vos nombreux parents (samo, dagara, dioula, bwaba et même quelques mossis) qui ont vécu une foi profonde sur la terre, même si cela a passé inaperçu aux yeux des gens, nous parlons souvent de vous. Nous sommes particulièrement contents de toutes les activités que vous menez sur votre paroisse pour un éveil réel à la suite du Christ. Leurs fruits sont énormes. Continuez dans ce sens. Cherchez à parfaire tout cela encore, car qui n’avance pas recule. J’exhorte donc les nombreux jeunes qui restent encore à l’écart de tout cela, où qui ne sont présents que quand vient le moment de se récréer ou de manger de rejoindre urgemment les rangs et de travailler avec tous pour la réussite de tout. Nous demandons aussi à tous ceux qui, loin d’y voir des temps de salut, s’en servent comme moyens de chutes et de ruine de leur âme de se ressaisir. C’est urgent. Nous supportons toutes ces activités de pleins cœurs devant le trône divin et nous vous invitons à garder confiance. Tant que ce que vous ferez sera pour la gloire de Dieu et pour votre propre salut, n’ayez crainte, les bénédictions du Seigneur vous y devanceront toujours et l’ampleur de leur réussite même vous surprendra parfois.
Au plus haut dans les cieux, en union avec nos nombreux parents qui sont avec moi dans le bonheur éternel, avec les anges et les saints de tous les temps, en compagnie de notre bienheureuse mère la très sainte Vierge Marie, nous vous portons tendrement dans nos cœurs et nous prions sans cesse pour vous afin que toutes les portes de la foi, de l’espérance, de la charité et de la réussite humaine et sociale vous soit grandement ouvertes durant tous vos passages dans les coins et recoins du monde.
Que Dieu vous bénisse !
Qu’il bénisse votre pèlerinage terrestre !
Je vous assure de ma présence continuelle et réconfortante au milieu de vous. Vous aurez le temps de l’expérimentez par vous-mêmes dans le quotidien de votre vie ».
Signé : Dii Alfred Simon Diban KI-ZERBO, dans la grande cité du Ciel, ce jour 19 mars 2011 en la solennité de saint Joseph, époux de Marie.
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